J’ai été victime d’une agression sexuelle au travail

J'ai mis du temps à digérer, à tourner la page, passer à autre chose, aller de l'avant .. Appelez cela comme vous voudrez. 

Ne pensez pas que ce genre de choses n’arrivent qu’aux autres. Oh non, ne croyez pas cela. Je suis comme je suis mais j’ai du caractère, et je ne pensais pas que cela pourrait m’arriver. 
J’ai été stupide de penser cela. Le caractère n’a rien à voir. Parce que ça m’est arrivé. Evidemment je ne m’y attendais pas. Et je n’ai pas du tout réagis comme je l’aurai imaginé. Depuis, bien des choses ont changé dans ma vie.. 

Je ne le vis pas bien, car j’ai l’impression d’être punis. Pourquoi est-ce moi qui me sens punis ?! Pourquoi est-ce à moi de repartir de zéro, de chercher un nouveau travail après des mois d’arrêt et de subir une perte de salaire. Et puis toutes ces petites choses incontrôlables.. se sentir oppressée quand un homme marche derrière soi dans la rue, dans le métro, dans les magasins ; quand il faut prendre l’ascenseur avec un inconnu… 

J’avais un CDI, une vie sociale et il me les a retiré. J’ai subi ce que je ressens comme une injustice. Je n’ai pas eu le soutien de mon employeur et de presque tous mes collègues, responsables, délégués du personnel et syndicaux.. Pour les autres ?! Pas envie de se mouiller, peur de représailles. On m’a tourné le dos. Après tout je l’ai cherché avec mes robes courtes, qu’ils ont dit..  J’ai donc connu plusieurs mois d’arrêt, payés à 90% au début, puis 80 et 70%.. Et pendant ce temps, lui ; lui il continuait sa vie normalement. Moi je me retrouvais dans l’incapacité de travailler, avec une baisse considérable de mon salaire, à me « battre » contre mon employeur et la justice pour me faire entendre ! 

Comment pensez-vous qu’une victime vive le fait de devoir raconter son histoire dans les détails ? J’ai dû le faire et donner des détails à plusieurs policiers, les répéter et les confirmer en confrontation. Aahhh la confrontation.. une épreuve difficile. Mais il a aussi fallu que je raconte aux médecins, au psy, à l’inspecteur du travail, à mon conseiller juridique, aux délégués.. Le pire, c’est quand votre parole est remise en doute. Mon employeur ne faisait pas son job, ne me soutenait pas et me reprochait même de faire des histoires au sein de l’entreprise !! Et le délai des administrations !! Confrontation : 5 mois après l’agression. Prise en compte de mon courrier à l’inspection du travail : 6 mois. Jugement 7 mois. Paiement employeur : quand il veut. Prise en charge de la sécurité social : 1 mois en moyenne après que l’employeur ai envoyé les documents.. Sans parler d’isolement, de choc post-traumatique émotionnel, de perte de salaire !  

Impossible pour moi de retourner travailler. Revenir sur les lieux de l’agression m’angoissait, je n’avais plus confiance et j’étais en colère contre mon employeur. J’appréhendais les réactions de mes collègues, ma hiérarchie, mais aussi la mienne ! De toute façon la médecine du travail ne m’autorisais pas d’y retourner. J’ai demandé une rupture conventionnelle, car j’avais besoin de passer à autre chose pour avancer. Demande refusée. Ma DRH voulait que je démissionne ! Pour elle, mon retour était avant tout mauvais pour le bien-être des employés et l’image de la société. Je ressentais l’injustice encore plus fort. Or de question que je démissionne, mais il fallait que j’avance ! Alors j’ai entamé une démarche afin d’obtenir un licenciement pour inaptitude.

J’ai perdu un an de ma vie. Un an en arrêt, à me battre, à me ronger les sangs, ne pas trouver le sommeil et perdre patience pour tout et n’importe quoi. A perdre de l’argent, et devoir faire attention tous les mois parce que nous étions jeunes propriétaires. A perdre confiance en moi également et mettre une croix sur ma vie sociale aussi ! Je me voyais évoluer au sein de cette société. J’avais des envies, des projets … Mais je dois tout reconstruire.. 

Affaire classée sans suite .. Pas de témoins ni de preuves matériels. 

Je me réconforte, en me disant que s’il recommence et qu’elle a le courage de porter plainte ; cette fois il aura des antécédents. J’ai fais ce qu’il fallait. Je le sais. 

Aujourd’hui je suis au chômage. J’ai moralement et financièrement besoin de retrouver un emploi. Mais j’ai peur. Peur des entretiens d’embauche, d’avoir du mal à m’investir, d’être jugé, d’être trop distante ou ne pas réussir à m’intégrer, de ne pas trouver un emploi dans lequel je m’épanouisse vraiment. 

72% des femmes ont déjà été victime de remarques déplacées ou insultes à connotation sexuelle au travail et 43% des femmes s’habillent différemment après une agression, pour éviter les situations de harcèlements et d’agressions sexuelles. 

Les semaines ont passé… Et il suffira d’un « coup de chance » pour que je reprenne espoir. En gros j’ai pu prouver les mensonges et machinations de mon ancienne DRH pour me faire perdre toute crédibilité. La vérité finit toujours par se savoir. Et le karma se charge des gens mauvais. Je n’ai pas baissé les bras malgré de longs mois d’attente, j’ai fais appel de la décision (classement sans suite) quelques semaines auparavant, et le procureur a rouvert le dossier au vu des éléments que je lui fournissais. J’ai contacté mon assurance juridique et rencontré mon avocat, a qui j’ai raconté mon histoire. J’ai été patiente, certaines personnes diront même courageuse. Mais je suis juste allée au bout car j’en avais besoin. Qui peut se reconstruire autrement ?

A deux reprises l’audience fût décalée. La première fois j’ai été prévenue à temps, je n’ai pas eu à me déplacer. La seconde fois fût une sentence car je suis venue au tribunal, j’ai attendu quelques heures avant que l’on m’annonce un report. Incompréhension, désespoir, tristesse et même colère… Sont les sentiments qui m’ont envahit. Parce qu’un juge oublie d’ordonner une expertise psychiatrique, je devais attendre encore de longs mois pour pouvoir m’exprimer. Plus le temps passait, plus j’avais un sentiment d’injustice et d’indifférence. Il faut attendre plusieurs mois entre chaque report…

Le procès, si difficile et libérateur à la fois

Lorsque le jour J est enfin arrivé, on m’a préparé à vivre un moment difficile. Mais ce fût une journée difficile ! J’ai attendu 7h, assise sur un banc, à trembler, à stresser, à écouter des choses horribles, à avoir le cœur qui s’emballe à chaque fois qu’un jugement se termine, sans boire ni manger, à attendre mon tour telle une sentence.

Avant moi d’autres affaires d’agressions sexuelles. Des attouchements. Des harcèlements plus ou moins longs. Des victimes psychologiquement plus perturbées, avec des suivis psychologiques pour certaines. Des traumatismes « plus profonds« . Des accusés plus « dérangés », parfois récidivistes. Certaines affaires avec des preuves ou des témoins. Bref je ne cessais de penser que mon agression etait « moins grave » ; et de me demander « Sera-t’elle autant prise au sérieux ?« .

Au bout de 7h, nous sommes enfin appelés à la barre. Nous nous présentons à la Cour, debout face aux 3 juges ( le président et deux assesseurs), le Procureur de la République ( qui représente le Ministère public ) et le Greffier. Je tremble. Surtout mes jambes et ma voix. Mais c’est mon moment. Celui que j’attends depuis longtemps. Celui où la justice me donne enfin la parole. Qu’importe la décision de la Cour, je dois me libérer d’un poids. Je veux n’avoir aucun regret et enfin tourner cette page.

Je réponds aux questions. Je prends une grande inspiration avant chaque réponse. Ainsi je ne parle pas trop vite, ma voix ne tremble pas trop et j’arrive à ne pas pleurer. Je réponds calmement. Mais intérieurement c’est un tremblement de terre. Je m’effondre petit à petit. Parfois mes jambes me trahissent, mais je me ressaisis immédiatement lorsque je ferme les yeux quelques secondes. J’ai maintenue mes accusations. J’ai regardé chaque membre de la Cour dans les yeux lorsque je m’adressais à eux. Pendant la plaidoirie de mon avocat, quelques larmes ont coulés discrètement.

Quant à l’accusé, il répète « Je ne sais pas » ou « On m’a dit que » à chaque question, parce qu’il est difficile de défendre un mensonge ; surtout lorsque l’on change plusieurs fois de version. Il semble ne plus être crédible. Les « machinations » de mon ancienne DRH ainsi que deux témoignages jouent en ma faveur. La plaidoirie de son avocate était incroyablement farfelue j’étais stupéfaite. Accusations, mensonges, provocations… Des méthodes auxquelles je ne m’attendais pas. Mais j’ai réussi à rester dans ma bulle.

Mon avocat m'avait préparé et sa plaidoirie était parfaite. C'est ce qui m'importais.

Après quelques minutes de délibération, il a été accusé coupable. COUPABLE.

10 commentaires Ajouter un commentaire

  1. moicestlolita dit :

    Salut Satyanomade.
    Merci pour ton message ❤

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  2. satyanomade dit :

    Who ton témoignage est bouleversant, tu as fais preuve d’une grande force et d’un grand courage c’est certain. Merci d’avoir osé partager cette expérience, de poser des mots sur tes maux 💚 je te souhaite que du bon 🌈

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  3. lola//addict dit :

    Oui c’est certain…

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  4. moicestlolita dit :

    Sans preuve et sans témoin c’est compliqué de prouver. C’est la parole de l’un contre celle de l’autre.
    J’ai du mal à imaginer qu’une personne puisse mentir sur une agression sexuelle, mais c’est possible =/ Donc la justice peut paraître dégueulasse mais en fait elle protège tout le monde.
    C’est mal fichu ( entre les couacs, les délais… ) en plus

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  5. lola//addict dit :

    C’est à l’agresseur d’avoir peur pas à la victime et malheureusement j’ai le sentiment que la justice française protège les agresseurs. Courage à toi 🌹🌹

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  6. moicestlolita dit :

    J’ai validé trop vite ^^ Merci pour ton commentaire ❤ Je suis également contente car j'ai enfin le sentiment que l'on me croit.

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  7. moicestlolita dit :

    Je me suis battue pour moi en pensant à toutes les personnes ( il n’y a pas que des femmes même si c’est la grande majorité ) qui n’osent pas parler par peur, par honte…
    Se faire agresser est trop tabou alors que nous n’avons rien fait de mal (les victimes). Ce sont les agresseurs qui devraient avoir peur et honte. J’aimerais tellement que les choses changent de ce côté la ( attention je comprends les personnes qui ont peur de perdre leur travail, leur mari et famille. Qui ont honte par rapport à leurs proches en général, pour leur image ) mais la colère et l’injustice devraient prendre le dessus ! Pour qu’ils soient punit. Plus les victimes parleront, plus les agresseurs seront montrés du doigt. Peut-être qu’alors les sanctions seraient plus lourdes….

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  8. lola//addict dit :

    Ton témoignage est fort et très important car malheureusement beaucoup de femme se retrouve dans ton cas… et c’est totalement injuste. Contente que to’ agresseur ai été reconnu coupable, bonne journée 🌼🌼

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  9. moicestlolita dit :

    Merci Alicia pour ton commentaire de soutien. J’ai appris récemment qu’il ne faisait pas appel. J’espère sincèrement qu’il ne recommencera pas.

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  10. alicia8991 dit :

    Franchement tu es très courageuse car cela n’est vraiment pas facile de faire fasse a tout ce qu’il t’a fait. Et grâce a toi, il fera et j’espère plus rien a d’autres femmes.

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